Ultra-traileur, accompagnateur en montagne, navigateur et journaliste (j’arrête les différents jobs après la Présidence de la République), je vous propose de vous distiller quelques conseils issus de mon expérience personnelle, pour vous préparer à l’Ultra-Trail du Mont-Blanc. Mon objectif : Pointer du doigts quelques erreurs de débutant facilement évitables, avant de vous aligner sur la ligne de départ de la Mecque de l’Ultra-trail : La fameux UTMB !
Félicitations ! Vous avez été tiré au sort parmi les milliers de « fous » et addicts à ce sport d’endurance, qui ressemble davantage à une épreuve d’aventure longue durée de Koh-Lanta qu’à une Mass-start des Jeux Olympiques d’hiver en Biathlon. Une fois le précieux mail de confirmation d’inscription reçu, vos stories Instagram et Facebook publiées, place aux choses sérieuses : La préparation de cet Ultra-Trail en montagne et la gestion de cet événement planétaire auquel vous allez avoir la chance de participer.
Ultra trail du Mont Blanc - Conseil n°1 : Longtemps et lentement, tu te déplaceras !
Manger du dénivelé à la petite cuillère matin, midi et soir, sans modération. Je m’explique : l’effort trèèèèèèès longue durée d’une telle épreuve (vous avez 46 heures et 30 minutes pour franchir la ligne d’arrivée devant le parvis de la mairie de Chamonix) nécessite que votre corps s’habitue à être "bousculé" dans ses habitudes de terrien sédentaire. Marcher, monter des marches, trottiner, s’équiper d’un sac à dos assez chargé, incarnent autant d’astuces qui vous aideront à prévenir l’effort, à minima, d’une nuit et d’une journée complète dans la nature, à lutter contre les éléments extérieurs. Cette « lutte » peut justement se transformer en « accommodation » si l’on optimise ses entraînements et ses habitudes, avec en tête l’objectif d’être un glorieux « finisher » de l'UTMB. Ce petit sobriquet qui qualifie tous ceux qui ont terminé l’épreuve - dans les temps - et qui vont pouvoir déambuler dans les rues de Chamonix affublés d’une récompense vestimentaire haut de gamme : la veste sans manches à la couleur douteuse, pour "sortir les poubelles" jusqu’à la prochaine édition.
Pour moi, nul besoin de vous infliger des séances au seuil si le but est de finir la course à l’acronyme en quatre lettres "UTMB". Je prépare beaucoup plus mes ultra-trails en planifiant des sorties en randonnée tout l’été à une allure lente mais avec un sac à dos plus chargé que le jour de la compétition. J’y trouve du plaisir, j’habitue mes muscles au dénivelé positif et au dénivelé négatif, tout en protégeant mes genoux face à la répétition des impacts, issus de la course à pied en descente. La longueur de mes sorties, bien souvent « à la journée », aide mon organisme à s’habituer à l’effort long mais aussi et surtout à s’adapter à la nature montagnarde, à son climat changeant, à son terrain escarpé et à la digestion pendant l’effort. L’idée, c’est clairement d’être actif tout au long de la journée pour habituer son corps à être en activité. Citadins, prenez l’escalier en sortant du métro, marchez ou faites du vélo pour vous rendre au travail et prenez un abonnement annuel à la tour Eiffel, que vous monterez au moins quatre fois pour atteindre 1104 mètres de dénivelé. Et oui, système « D » oblige… A noter que vous pouvez aussi alterner avec la Tour Montparnasse et le Sacré Coeur pour trouver du dénivelé urbain. Bref, pour résumer : Bougez, dynamisez vos muscles et privilégiez les efforts longs de faible intensité à des séances de cross-fit de 35 minutes.
Ultra trail du Mont Blanc - Conseil n°2 : Ton corps sur le bout des doigts, tu connaitras !
Dans la vie de tous les jours, l’estomac est réglé pour digérer les repas et les nutriments lors des phases de repos du coeur, ce qui ne sera évidemment pas le cas lors de l’UTMB. En s’habituant à ingérer des barres de céréales, des fruits secs, des noix et autres oléagineux, on habitue le corps et son palais, à digérer ce type de nourriture calorique et digeste et l’on se précautionne d’éventuels troubles de la digestion qui peuvent mener à l’abandon.
Testez vos produits alimentaires en amont se révèle obligatoire. Validez-les, énumérez-les et préparez-les méticuleusement pour le jour « J ». L’improvisation n’a pas de place dans ce type d’épreuve où le moindre grain de sable dans l’engrenage peut avoir des conséquences désastreuses. Que ce soit des pâtes, du riz, des lentilles, du quinoa, des patates douces, vous devez savoir quel plat votre organisme digère le mieux avant et pendant l’effort. Les intolérances, les soucis de digestion de certains aliments (bonjour le cornichon au vinaigre, caché dans le burger du Fast Food dont je ne citerai pas le nom), les problèmes de goût, bref, vous devez connaitre les conséquences que chaque aliment aura placé comme combustible dans votre bouche. Interdiction formelle de tester un plat que vous ne connaissez pas au fin fond d’un obscur ravitaillement à La Fouly. La sanction peut s’avérer immédiate et sévère allant de l’arrêt express dans les buissons à « la galette » (pas celle de la crêperie, clin d'oeil aux bretons) en passant par l’état de fièvre qui vous coupe la faim et vous amenuise à petit feu jusqu’a ce que Roger, bénévole à Vallorcine, vous dise de mettre le clignotant à droite, en vous montrant la barrière horaire dépassée.
Ultra trail du Mont Blanc - Conseil n°3 : Techniquement et efficacement, tu t’habilleras !
Le trail, c’est simple comme bonjour : une paire de baskets, un t-shirt, un short et banzaï ! Mais ce qui vaut pour un petit tour de 8 kilomètres dans les sous-bois près de chez vous, ne s’applique malheureusement pas sur l’UTMB. L’hostilité de la montagne y est pour beaucoup : air sec, température pouvant grimper à 35 degrés et descendre à -15 degrés en 24 heures, pluie, neige, vent, canicule, bref. Le cocktail est détonant et nécessite de s’équiper comme un guerrier viking, l’épée en moins. Le sac d’ultra-trail incarne à lui seul la caverne d’Ali Baba, où toute votre vie de coureur doit s’y loger. Ce sac est une véritable prouesse technologique tant on peut le remplir sans que rien ne dépasse. Gourde, carquois à bâtons, veste Gore-Tex, barres de céréales, couche chaude, lampe frontale, batterie externe, téléphone portable, gobelet à ravitaillement, couverture de survie, bonnet, buff, gants, tout y rentre pour un volume de 12 litres. J’avoue apprécier et utiliser ce litrage sur tous mes ultra-trails de plus de 100 kilomètres (exception faite au TOR des Géants) avec une préférence pour les sacs Salomon et Instinct. Ces sacs en forme de gilet spécialement et admirablement conçus pour la pratique de la course à pied ne bougent pas pendant la course grâce à leur coupe très près du corps.
L’autre aspect évidement essentiel de votre équipement ne vous échappera pas : vos chaussures de trail. La règle est la même que pour la nutrition : on ne part pas sur l’UTMB avec ses chaussures dernier cri vert fluo tout juste achetées 3 heures avant le départ sur le salon de l’UTMB, place du Mont-Blanc, parce que « la promo valait le coup ». Non ! Vos meilleures amies et la prolongation de votre corps pendant 46 heures doivent être testées et approuvées en amont. Personnellement j’ai la chance d’avoir un pied assez commun qui s’accommode très bien dans la majorité du panel de chaussures des grandes marques de trail. Ma priorité : m’y sentir à l’aise et rassuré par l’accroche de la semelle sur les terrains techniques et glissants.
Badigeonnez vos pieds de la crème "Nok" peut aider à prévenir les échauffements et ampoules ; avant et pendant la course de quartier. Pour vos t-shirts, pensez à la technicité au lieu de privilégier votre haut préféré du trail de la kermesse de Landaul 2004 que vous aviez brillamment remporté devant David et Thomas, vos potes d’enfance. Respirabilité, flexibilité et confort sont les trois aspects à privilégier lors de l’achat pour éviter tout abandon ridicule due à une irritation des tétons par exemple.
Ultra trail du Mont Blanc - Conseil n°4 : Ton mental, tu forgeras !
UTMB : quatre lettres qui résonneront très fort dans votre tête jusqu’au départ et, espérons-le pour vous, l’arrivée de la course. La pression sociale de cette épreuve étant déjà assez soutenue, je vous suggère de prendre du recul face à l’évènement en minimisant le défi qui s’offre à vous. Ne vous mettez pas de chrono inespéré ou d’heure d’arrivée prévue, cette course en montagne est tellement difficile à gérer que la prévoir se révèle impossible tant les paramètres influant le résultat sont imprévisibles. Relâchez-vous, prenez la course comme une expérience inouïe et unique que peu de personnes peuvent se targuer d’avoir vécu. Les finishers et les athlètes élites ont l’habitude de comparer leurs périples à un condensé de vie. Je ne peux qu’acquiescer ! Comme dans un bon film hollywoodien, les scénarios de toutes mes courses ont été jalonnés de moments d’extases et de descentes aux enfers.
Pour éviter de me laisser embarquer trop haut ou trop bas par mes émotions, j’ai appris à les modérer… Quand je me sens superbement bien, je tente de ne pas m’enflammer en grimpant en double poussée de bâtons et en m’imaginant être Kilian Jornet alors que je ne suis qu’au kilomètre 28. A l’inverse, quand j’éprouve des coups de mou, des baisses de dynamisme ou l’arrivée du sommeil, je ne m’affole pas outre mesure et je me dis que ça va passer, qu’il y bien plus grave dans la vie que d’avoir un petit mal au ventre, les quadriceps qui tirent et une envie de dormir conséquente. En gros, je règle le thermostat de mes émotions.
Ultra trail du Mont Blanc - Conseil n°5 : Ta nuit de sommeil, tu l’oublieras !
Puisque je vous diffuse mes petits conseils de Tontons de l’ultra-trail, autant vous révéler ma philosophie de course et ma tactique. Vous connaissez la fable de Jean de La Fontaine, Le Lièvre et la tortue ? Et bien la Tortue, c’est moi. Je suis un lent, je n’aime pas la vitesse ni les efforts violents, ce que j’affectionne c’est l’ultra endurance et le dépassement des supposés limites de notre corps. A l’instar de ma copine à la carapace, je ne m’arrête que très peu, quitte à manger en marchant, tranquille, peinard, à l’air libre avec un beau panorama en prenant vraiment mon temps pour profiter de ces instants en montagne. Ainsi, je continue d’être actif et j’empêche mon corps de trop se refroidir car étant équipé d’un moteur diesel, j’admets éprouver quelques difficultés à le faire monter en température après une pause trop longue.
Ma philosophie autour du sommeil est simple : sur des formats type UTMB, Diagonale des fous - soit 170 kilomètres pour 10000 mètres de dénivelé positif - je ne dors pas. D’une, parce que je sais que je peux aller au bout sans passer par les stands et de deux, peut-être par crainte de couper la machine et d’en subir les conséquences au réveil, avec des courbatures, des tensions et un rythme à retrouver après avoir saluer Morphée, le Dieu du sommeil. Seul le TOR des Géants et ses 358 kilomètres m’ont obligé à rompre avec mes habitudes : J’avais cédé une heure de repos par tranche de 24 heures, soit 4 heures de sommeil cumulées en 4 jours.
Si personne n’est égal face au sommeil, il en est encore plus compliqué de prévoir ce que votre corps aura besoin pour cet effort inhabituel. Mon conseil de Tonton serait donc de s’écouter et de ne pas hésiter à s’arrêter dormir par tranches de 20 ou 30 minutes plusieurs fois dans la course si nécessaire. La connaissance de votre corps sera la clé de la réussite. Et surtout, ne stressez pas, souriez, ça va bien se passer !